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Samedi (22/01/05)
Treizième jour
--> C'EST TOUJOURS UN LIVRE !!

J'ai pris un nouveau boulot à mi-temps en plus de l'autre, ça m'occupe, ça m'enrichit, c'est prodigieux.

Ecrit par Damaged roses..., à 16:47 dans la rubrique Patch.
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Vendredi (07/01/05)
Douzième jour...
--> je sais, ça faisait longtemps...(moogly, où es-tu?)

NB: cet article est tiré du LIVRE Patch...de Tania de Montaingne.

Ecrit par Dana, à 14:19 dans la rubrique Patch.
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Samedi (04/12/04)
Onzième jour...
--> Un excellent passage

Ca ne parle toujours pas de moi !!(ok?)

Je vais peut-être réussir à passer à côté de ma grande carrière d'hôtesse, j'ai été prise pour un poste, c'est ma période de chance qui continue.

Au vu de cette première journée, pas sûre que ce soit bien pour moi, mais bon, on verra.
Depuis aujourd'hui je suis prof. Evidemment, pas la prof classique d'un lycée classique, non. Je suis prof dans un lycée privé à caractère développatoire pour l'enfant bourré de pognon qui veut vivre pleinement sa créativité. Le directeur est un concept, une répartition dentaire complètement étonnante à base de dents exclusivement devant, une chemise hawaïenne et des tongs. Il me propose un salaire qui correspond globalement au pris de ses tongs tout en m'expliquant que j'ai déjà la chance d'entrer dans cette pépinière de talents qu'est son lycée. Je pense à ce que chaque parent paye pour assurer le développement jubilatoire de son enfant, je pense à la carte orange, je pense aux études supérieures, aux BEP coiffure distribués sans compter aux gens comme nous, je pense au fait de péter plus haut que son cul, je pense à m'en sortir un jour, mais quand? Je pense que je n'ai pas le choix, comme toujours.
Dans un film de John Woo, ça serait plus simple, j'aurais deux flingues dans mon sac à main, il me dirait je vous propose 12,50 F par mois 13 maxi parce qu'au-delà, avec les charges je m'en sors pas.  Je jette mon sac en l'air, les deux flingues tombent au ralenti, un dans ma main droite, l'autre dans la gauche. Je me projette au sol et roule sur le côté sans qu'on voie ma culotte, salto avant, je suis debout sur le bureau, une dizaine de pigeons volent dans la pièce sans faire de crottes ou alors uniquement sur le directeur qui préfère me filer un CDI à 40 000 mois. J'entrevois l'île aux 100 000 brut dans quelques mois, quand je viendrais de mander une augmentation. J'explose son paquet de clopes et les dents de devant qu'il lui reste d'une rafale de balles, le lance mes flingues, ils retombent dans mon sac. Ce serait simple. Mais bon, là, dans ce bureau, j'accepte les 12,50 F brut payés pour partie en tickets resto à cause des charges et tout ça. Le directeur m'explique qu'il m'a embauchée à cause de mes cheveux qu'il se propose d'ailleurs de toucher en prenant une impulsion assez tonique sur ses tongs.

Et c'est là que je lui ai malencontreusement agrafé la main avec mon contrat, mais rien de grave. On en a rit tous les deux de ma grande maladresse, enfin surtout lui. Il rit, la bouche grande ouverte et je me demande combien on peut découper de dents à pivots dans une tong. J'y réfléchis en rejoignant ma classe, des seconde, 23 élèves. Mais pas des élèves classiques d'un lycée classique, non.

Je me dis en les voyant qu'un prof devrait avoir droit à un pourcentage de perte, 20, peut-être 30% dans mon cas. Une marge de manoeuvre pour compenser la nicotine et le fait que tous les gens normaux que je devais rencontrer dans ma vie, je les ai rencontrés avant, à présent restent tous les autres, ceux qui ne vont pas bien, ça fait du monde. Dans la classe, j'ai un type qui fait une allergie aux stylos, il doit prendre le cours à la machine à écrire, pas ordinateur portable, pas agenda électronique, non, une vieille machine qui fait du bruit. Du coup je hurle à la mort pendant deux heures pour que tout le monde puisse m'entendre. Je sens que je vais me pourrir la  gorge avec cette histoire. J'ai aussi une surdouée de 11 ans et une fille de 25 ans qui tente de passer en 1ère depuis 5-6 ans maintenant. Tant qu'il y a de l'argent il y a de l'espoir, alors elle est là.

Je leur ai fait remplir des fiches, les fameuses où tu mets la profession de tes parents. Comme si ça allait pouvoir t'aider pendant l'année. En même temps, parfois ça aide. Moi, je ramasse les fiches et je repère un petit malin entouré d'un halo de boutons en tout genre. Il me regarde bizarre mais je suis tout en pédagogie développatoire donc je saisis sa fiche avec une ouverture d'esprit doltoïenne? Je passe les lignes nom, prénom, âge et j'en arrive à "ce que tu veux faire plus tard" et je lis: lécher tes oreilles.
D'un coup, j'ai peur de l'adolescence et du surhormonage. Je jette un regard au fétichiste auriculaire qui bave un peu. Je me demande si en faisant chauffer les patchs, y a moyen de se faire une injection. Peut-être que je suis en face d'un futur serial killer qui tue ses victimes en les léchant jusqu'à ce que mort s'ensuive.

C'est à ce point de ma reflexion que le directeur entre, au moment pile où j'envisage de'exploser les furoncles du lécheur avec un cigarillo king size. Le directeur qui dit:
"Alors les juniors, elle est pas chouette? " en me montrant du bout de sa tong.
"Si!" ils disent mes élèves, surtout le cinglé aux pustules.
Le directeur, totalement enthousiaste qui dit : 
"Elle est roots, hein?"
Et là, il s'achemine vers mes cheveux. Je lui mets les fiches dans l'oeil et nous rions de bon coeur devant cette incroyable maladresse qui décidément me caractérise. Nous rions encore pendant que les élèves sont à la recherche de sa rétine qui n'a pas pu aller bien loin quand même.
La cloche sonne, tout le monde fait son sac, je cours pour venir voir ma mère, mes semelles glissent un peu sur le trottoir, surtout la gauche, je retrouve la rétine du directeur collée sous ma chaussure, je la lui rendrai demain. Et puis à l'hôpital aussi, bientôt la cloche sonnera, je prendrai mes affaires, je repartirai chez moi avec un peu de l'enthousiasme de ma mère collé à mes pas, je le lui rendrai demain, ou peut-être pas, il va m'en falloir.

Point négatif: Une main agrafée, un décollement de rétine.

Point positif: Une seule main agrafée, une seule rétine décollée.

Evolution: Moyenne, 3698 pensées liées directement ou indirectement à la cigarette.

Projets: Empêcher mes futurs enfants d'être adolescents. Faire du yoga de manière intensive.

Notes concernant le milieu hospitalier: L'hôpital est en grève depuis deux jours ce qui fait qu'un jour ou l'autre, je m'attends à retrouver ma mère entrain de s'autoperfuser pendant que sa voisine de chambre réchauffera les plateaux-repas en se servant de sa tente à oxygène comme micro-ondes.
 

Ecrit par Dana, à 21:33 dans la rubrique Patch.
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Lundi (29/11/04)
10è jour...
--> On commence un des meilleurs passages...

CA NE PARLE PAS DE MOI. (au cas ou on ne l'aurait pas encore comprit...)

Je sors de chez le vétérinaire. Avant j'ai duû entièrement désinfecter la maison. Il se trouve que lorque je suis rentrée, j'ai trouvé Jean-Paul (rappel, JP c'est le chien offert par les collègues de la mère à l'héroïne du livre) sur une étagère m'observant. Tiens, je m'dis, un happening.
Il se trouve également qu'en allant déposer mes affaires dans la chambre j'ai goûté dans toute son acception le sens de l'expression emmerder quelqu'un, je l'ai goûtée dans l'ensemble du F3. C'est bien. Je me dis, tiens, des installations aussi. Jean-Paul a un sens de l'art contemporain que j'explore. Il a également fait une approche vers le découpage, bien que dépiautage convienne mieux au travail effectué sur les rideaux.
Les pieds dans la crotte je story-board le mouvement d'un Jean-Paul allant de l'étagère de la cuisine vers les collègues de ma mère au service communication par le biais d'un lancé précis et net.
Petit comme il est, et en visant bien, je pourrais le lancer dans le conduit d'aération, ce qui donnerait une dynamique supplémentaire. Mais bon. C'est un cadeau, un cedeau de prompt rétablissement, comme un grigri qui raccourcirait les tuyaux.
Comme pour tous les cadeaux, c'est l'intention qui compte et l'intention de vivre c'est sacré même si ça a des poils et de la crotte aux fesses.
J'aspire par la bouche, je lave, je prends l'intestin sur pattes, je tente une rationalisation du problème via un vétérinaire. En fait, il faut voir au-delà de la colère primaire. Ca pue la merde chez moi mais c'est pas ça le problème. Le problème c'est que Jean-Paul est dépressif, il est dans une dynamique de peur de l'abandon qui l'incite à envoyer des signaux fumants. Jean-Paul est en manque, comme moi. Peut-être que si je m'asseyais sur des étagères après avoir fait des crottes partout je trouverais un emploi et un homme drôle intelligent qui sait coudre et repasser.

Point positif: Jean-Paul est sous anxiolytiques, ça devrait stopper sa puissance créative.

Points négatifs: Son regard a prit une dimension encore plus flippante à cause des cachets, je crois que les yeux de Jean-Paul essaient d'aller plus loin dans le strabisme. Ca m'inquiète pour la suite. En y réfléchissant bien, je crois que le vétérinaire et Jean-Paul ont le même regard. Peut-être que le vétérinaire aussi est dépressif?

Evolution: Stagnante. J'ai presque envie de recommencer à fumer pour perdre mon acuité olfactive et oublier qu'un intestin de chien c'est long, prolixe et odorant.

Projets: Trouver un vétérinaire moins moche, avoir une relation passionnelle et fulgurante avec lui, lui soutirer une ordonnance avec les mêmes cachets que Jean-Paul, ça devrait faire oublier la cigarette.

Notes concernant le milieu hospitalier: Je ne comprends pas que les animaux soient interdits à l'hôpital. Ca arrangerait tout le monde, surtout moi. Je laisserais Jean-Paul à ma mère. C'est son cadeau après tout. En plus, ça égaierait. Quoique égayer ne soit pas vraiment un erbe qui corresponde à Jean-Paul. Interpeller, oui. Questionner, oui. Mais égayer, pas vraiment. En même temps, Jean-Paul assurerait aux malades un emploi du temps chargé, des journées qui passent vite tant on s'interroge sur la raison de son existence. Si Dieu existe, qu'a-t-il voulu exprimer au travers de Jean-Paul ?

Ecrit par Dana, à 22:09 dans la rubrique Patch.
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Vendredi (26/11/04)
Neuvième jour
--> ***Ceci est un livre: ce n'est pas ma vie***

Ce matin j'ai fait un passag éclair à l'hôpital parce que j'ai une mission de 13 h 00 à 23 h 00. La chef hôtesse n'a pas arrêté de me dire que ce serait une super expérience, j'ai un peu peur, nous n'avons pas la même notion de ce qui est super pas plus que de ce qui mérite de figurer dans la case expérience.

J'avais raison de me méfier. Il existe une nette divergence de point de vue entre ma chef et moi.Ce qui me permet d'accéder à ce qu'est une super expérience pour ma chef hôtesse. Un gros con à cravate nommé Philippe Truchon, travaillant au service commercial (autant de détails que j'ai pu trouver sur le joli badge qu'il portait épinglé sur sa sale veste en tweed), la bite sur le front qui gêne incontestablement la réflexion, et une abscence de rapports sexuels de l'ordre de la dizaine d'années (autant de détails que j'ai pu lire dans cet oeil lubrique fixé sur ma région poitrinale).
Est-ce que c'est au moment où il me demandait la direction de toilettes (avec un regard sexuellement dérangé) pour la troisième fois que j'ai eu la vision trop réelle de Philippe Truchon, cadre commercial, encastré dans la porte des toilettes hommes, une saucisse cocktail plantée dans l'oreille droite? Peut-être.

Point positif: J'ai eu un blâme pour rébellion hôtessatoire suite à la perte de mon élastique à chignon dans le verre du directeur général chef.

Point négatif: Le blâme ne durera pas éternellement.

Evolution: En nette dégradation. J'ai rallongé ma vie de trois heures mais je ne perçois pas encore très bien en quoi c'est une bonne nouvelle.

Projets: Prendre la vie avec philosophie ce qui signifie trouver un autre boulot qu'hôtesse.

Ecrit par Dana, à 23:13 dans la rubrique Patch.
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Lundi (22/11/04)
Deuxieme semaine.--- Huitième jour.
--> Moogly s'impatiente...

Déjà Lundi. Ce week-end j'ai vécu en apnée. C'est prenant l'hôtessitude.
Les gens brassent du vent pendant que ma mère aspire chaque bouffée d'air comme si s'était une denrée rare. Mais nous jouons toujours puisque c'est elle qui décide: un rire à trois boufée ou quelques mots à deux.
C'est notre nouveau jeu, un Pyramide mot en deux, rire en trois moi Patrice Laffont, toi Pépita ou l'inverse, on s'en fout, on est toutes les deux noires, il n'y a aucune différence comme m'a dit le directeur du service communication de la société Gervance pour laquelle j'ai fait l'hôtesse hier soir.
Au début, bien, la classe, comme un directeur de service communication tout en Weston et costard un peu foufou à rayures. Bien.
Après, un peu bourré le dircom qui tente une main aux fesses tout en glissé jeté. Bien vu.
Moi tout en blocage d'hôtesse à base de sourire et de présentation de plateaux remplis de petits-fours.
Lui, tout en projetage de mains en direction d'un sein, pas d'exigence quant au côté.
Moi tout en sourire parce que la chef hôtesse me mate et qu'on a plus trop les moyens de se la péter côté finance.
Lui allez Jocelyne, tu faisais moins ta sucrée la dernière fois.
Moi mais je ne m'appelle pas du tout Jocelyne.
Lui, c'est pas grave de toute façons, vous vous ressemblez toutes.
La chef hôtesse qui part aider un directeur général au bord du vomi.
Moi qui fous un coup de pied tendu dans les couilles communicantes du dircom avec , bien sûr, le sourire hôtessatoire.

Est-ce que je lui ai dit que la prochaine fois je les lui ferais porter en pendentif si je le croisais à moins de 300 mètres de moi? Peut-être. A moins que je l'aie pensé. Va savoir.

En rentrant, j'ai mis la télé. J'ai encore vu un reortage sur notre cité, un reportage tout en survêt et cagoule, que du garçon gesticulant à visage couvert.
C'est étonnant cette vision des choses.
Pas la mienne.
Peut-être parce que je n'ai jamais été fan des survêtements.
Pour moi la cité c'est une femme, taille indéterminée, poids indéterminé, âge compris entre plus et moins l'infini, elle court le matin, le midi, le soir, elle court pour maintenir le F3 et tous ses habitants à flot, elle court après les survêts de marque qu'il faut acheter pour les empêcher de tomber des camions, les études de l'aîné qui se cassent la gueule, la maladie du petit dernier, elle court pour garder la tête hors de l'eau.
Qu'est-ce qui se passerait si un jour au JT on vous voyait ma mère, Mme Hamandi, la voisine du 4è, la mère de Keltoum, et d'autres entrain de faire brûler la 504 du gardien pour demander plus de crèches, moins de gros cons aux postes de direction, la baisse du prix des Nike Air qu'il faudra acheter au grand pour Noël?
Est-ce que ce serait plus vendeur que du survêt et de la cagoule pour exprimer le mal-être des banlieues? J'sais pas, faut voir.

Points positifs : Je n'ai pas mon permis donc ma voiture n'a pas brûlé suite aux événements de ce soir.

Points négatifs: Je suis rentrée trop tard, j'ai loupé les pompiers. Pompier, voilà une profession qui se donne vraiment une image de service publique. Le pompier est professionnel et surtout, physiquement avenant. Ca donne envie d'aimer l'Etat, d'être proche des institutions, très proche.

Evolution : Bonne sauf que ça pue le cramé. Ca me rapelle l'odeur des allumettes. Une allumette de 6 mètres de long qui s'avance au ralentit vers une cigarette de la taille des 160 que je n'ai pas fumées.

Projets : M'acheter une voiture, la faire brûler, appeler les pompiers, en kidnapper un et si je n'y arrive pas parce qu'ils sont sportifs et qu'ils courent vite, je pourrais toujours fumer ma voiture.

Notes concernant le milieu hospitalier : Les horaires de repas de l'hôpital me correspondent puisque je mange environ tout le temps. Malgré tout, je me rends compte qu'il n'est pas normal de dîner à 18 h. J'en déduis que 100% des personnes chargées de planifier les horaires de repas à l'hôpital sont des fumeurs en cours de sevrage.

Je précise...pour éviter les confusions ;o) , ceci est un extrait du livre Patch de Tania de Montaigne.

Ecrit par Dana, à 22:44 dans la rubrique Patch.
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Dimanche (14/11/04)
Cinquième jour...
--> ...la suite !!! Je sais...vous êtes contents après tant d'abscence ...

Le temps passe et je comprends mieux le système hôtessatoire.
Quand j'appelle une agence je dis: "Bonjour, je suis noire et totalement hôtessatoire."
Si j'ai le temps d'aller jusqu'à hôtessatoire, c'est bon, sinon j'entends:
"Non, en ce moment la demanditude du marché hôtessatoire est plus portée vers le blond."
Et là je dis: "Ca tombe bien, je suis blonde également."
Eux: "Euh non, mais quand même, ça n'ira pas."
Ca, ça sent la jeune qui débute. Dans quelques temps elle dira non, tout simplement, parce qu'elle trouvera ça normal, elle s'étonnera même que l'on dise bonjour avant de signaler sa couleur, la grande info qui déterminera si elle pourra ou non perdre du temps sur la personne qui postule à l'hôtessage.
J'explore toutes les ressources de la langue française.
Noire je suis, bonjour.
Je noire suis, bonjour.
Noire suis-je bonjour.
Non, pas bien ça, ça exprime un doute, une hôtesse ne doute pas, elle fend la bise à l'aide de son chignon aux normes NF.
Ma mère s'étonne de ce concept de chignon pas vraiment raccord avec mes cheveux qui persistent à ne vouloir pousser qu'en hauteur. C'est sûr, elle a mis le doigt sur un autre problème de fond. C'est comme le reste, il faut en parler au lpus tôt sous peine de mort violente.
Lorsque je suis arrivée dans la deuxième agence, j'ai vu une touffe jaune montée sur pilotis, un bouton avec une perruque qui s'est mise à hurler à la mort en regardant mes cheveux. L'hôtesse recruteuse est fragile du chignon, incontestablement.
Mais en même temps, elle est sympa. Tout en observant tes dents pour connaître ton âge, elle tente de te mettre en espace, de sublimer l'hôtesseitude qui dort en toi, d'emmener vers le haut le vieux thon que tu es. L'hôtesse recruteuse est tout en réalisme et franchitude. C'est vraiment chouette.
Là, comme elle y croit, elle parle à tes cheveux, elle les brushinguise, elle les bigoudise, elle tente de faire jaillir un chignon de ton cheveu crépu.
Elle te sculpte le visage à base de bleu, de vert, je rouge. Elle est joisse.
Ensuite, elle te passe un miroir et tu vois apparaître une pute de l'Arkansas, un travelo du Guatemala, aucune chance de rencontrer un mec avant le troisième millénaire, celui où tout le monde aura une soucoupe volante et des dents bleues.
C'est la fête dans l'oeil de l'hôtesse recruteuse que je visualise haute en couleur, très haute, fixée à une poutre apparente par son chignon.
Mais je tiens bon, je suis embauchée, je suis hôtesse à 50 F de l'heure, je ressemble à une erreur médicale dans le tailleur jaune fourni par l'agence, je suis toujours non-fumeuse, j'ai des pulsions, je respire, deux bouffées pour le calme.

Point positif: Ce week-end je pars pour deux jours d'hôtessitude à 50F de l'heure/

Points négatifs: La pharmacie est fermée. 48 heures, c'est long. 48 heures dans le milieu hôtessatoire, ça compte double. Il me reste une seule boîte de patchs et quatre ongles en comptant ceux des pieds.

Evolution: Bonne. J'ai déjà économisé 103, 50 Fce qui fait à peu près mon salaire d'hôtesse après avoir enlevé les frais de transport, les frais de collants, les frais de fond-de-teint ultra-couvrant.

Projets: M'acheter un pice-nez comme les nageuses synchronisées, peut-être même un justaucorps à paillettes comme les patineuses. L'hôtessitude c'est ça, une nageuse sur des patins, que du sourire, que de la grâce, que du bonheur quoi.  

Notes concernant le milieu hospitalier: Depuis quand les infirmières portent-elles des sabots blancs microaérés à semelle confortante? Qui de l'oeuf ou de la poule? Qui est la cause, qui est la conséquence? La Scholl est à l'hôpital ce que le BEP est aux conseillers d'orientation des collèges en zone d'éducation prioritaire. Indissociables. Que serait-il arrivé si à la place des sabots c'est la cravate texane ou les cuissardes qui avaient remporté le marché? Je n'ose l'imaginer.

Ecrit par Dana, à 21:53 dans la rubrique Patch.
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Mardi (19/10/04)
Quatrième Jour
--> spécialement pour Moogly ;o)

Hier, les collègues de ma mère m'ont appelée, elles voulaient que je passe au bureau, un truc urgent. Je suis arrivée là-bas, 3e étage direction de la communication, le lino devient moquette rougeoyante, ambiance feutrée, on ne marche pas, on tapis-roule, on hydro-jet, on hélicoptérise. Le seccrétariat, les amies de travail, pas beaucoup, juste assez.
"Oh c'que t'as grandi. C'était quand la dernière fois?"

La dernière fois c'était quand j'étais revenue en pleurant après avoir foiré l'oral du bacc français. Apollinaire. Alcools. J'm'en souviens, elles aussi. Ca nous fait parler. A un moment, silence, grand grand silence. Le grand grand silence pour le grand grand patron qui vient d'entrer. Il n'est pas très content de voir que tout le monde n'est pas à son poste, certaines ont eu l'outrecuidance de s'exploser un jambon-beurre dans les gencives en plus de 7 minutes. Ah, il en aurait des choses à redire sur les 35 heures et tout le merdier socialo-marxiste.
Sans compter les congés maternité. Enfin bon. Il a un truc urgent à faxer, il n'a pas été programmé pour, il me tends la feuille, comme ça, sans un mot. Il ne se souvient pas que ma mère n'est plus là, qu'elle respire une fois sur deux, qu'elle s'en tape de son fax à deux balles à haute teneur communicatoire je présume. C'est là que je l'envisage superbement bleuté étoufé par de la moquette de 65 cm d'epaisseur, c'est communiquant à souhaits. A moins que je le faxe, j'imagine déjà ce visage flasque compressé par les petits rouleaux, aplatis par les petits roulements. Et ce, à l'infini. Les amies de bureau de ma mère reprennent la main. Je réfléchis au monde du travail et envisage de me tirer une balle dans le genou après m'être jetée par la fenêtre histoire de mettre toutes les chances de mon côté. A moins que je ne fasse profiter le grand "Grand" de mon sentiment sur la chefitude et l'employeurisme.
Après tout, la lutte des classes, ça sert à ça, ne plus s'enfermer dans une logique autodestructrice, s'ouvrir à l'autre, lui faire connaître la globalité du ressenti, l'ampleur du vécu. Le grand patronnat s'en retourne dans son bureau feutré. Je rêve, j'aspire, je mâche tout ce qui a un rapport direct ou indirect à la nicotine. Les amies de bureau m'observent avec bienveillance et inquiétude comme les fées de la Belle au bois dormant. Elles ont le petit sourire en coin. Elles me sortent de dessous leur bureau une petite boîte qui gigote, dessus il y a une carte destinée à ma mère, dedans il y a un cadeau de prompt rétablissement acheté avec l'argent du service. De la joie et du bonheur dans ta demeure. Un cadeau pensé, étudié à fond. Une chose qui pue le boeuf séché et qui permettra à ma mère de marcher pendant que le sac à crottes entre en action sur les belles pelouses de M.le maire.

Un chien.
Moche.

Il a l'ensemble de la mâchoire inférieure à trois mètres du reste de la gueule et un strabisme divergeant. J'ouvre la boîte et je tombe sur ça, un plumeau prognathe avec les yeux qui se situent à peu près nulle part. Au début, je crois que c'est une peluche, un truc à mettre sur la table de nuit. Quoique, cet objet sur une table de de nuit d'hôpital ça peut entraîner des troubles psychologiques. Bon, je regarde l'objet, je dis ahhhhhh c'est sympa, l'objet vomi, c'est un vrai chien, ça vit 15 ans, j'ai arrêté de fumer.

Et si je le faxais sur de beau papier à en-tête?
Les amies sont ravies, elles m'embrassent, elles embrassent ma mère par mon intermédiaire, elles embrassent l'objet canin. Je suis ravie que les embrassades aient eu lieu dans cet ordre, il pue de la gueule. Pratique pour trouver une place dans le métro, pas de disputes ni de batailles rangées, je brandis l'objet devant moi, les gens s'inclinent. Bon, la chance c'est qu'il a l'air totalement apathique, il ne réagit à aucun stimuli canin connu, pas de réaction face au lancer de balle, bâton, chausson, os, un refus total de proférer ne serait-ce qu'un demi-aboiement. Ce chient est muet. En même temps, avec des dents pareilles...

Point positif: La touffe qui pue a été baptisée Jean-Paul.

Point négatif: Jean-Paul appartient à une race qui, vérification faite, a tendance à vivre 20 ans voire 22 ans.

Evolution: Tension en augmentation constante.

Projets: Me lancer dans la recherche dès ce soir de façon à guérir ma mère au plus vite et la faire sortir de l'hôpîtal avant que ses collègues de bureau n'aient d'autres idées de cadeau. Parceque, j'ai réfléchis, il en reste des choes à lui offrir, un groupe de Péruviens qui chantent, des clowns, un lanceur de nains qui disent des blagues avant de retomber au sol. Ca peut aller loin.

Je l'ai lu au moins 20 fois, et ce passage me fait toujours autant rire...
J'éspère que ça vous plaît !!

Ecrit par Dana, à 23:04 dans la rubrique Patch.
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Jeudi (07/10/04)
TROISIEME JOUR
--> --> cadeau...encore un bout du livre !

Avec cette histoire de vrai boulot que nous sommes plus de 3 millions à attendre comme les 6 numéros du loto, il me semble que j'ai complètement oublié de parler de ce qui me fait vivre depuis quelques jours maintenant.
Je suis hôtesse, mon boulot en attendant que Mme Ponche fasse le sien.
L'hôtesse, c'est la dame super sympa qui t'apporte une boisson, qui t'indique les toilettes, qui parle à ton enfant qui sent le vomi, qui accepte avec joie que tu la prennes pour une grosse pute et que tu parles allégremment à ses fesses pendant qu'elle t'explique où tu dois t'asseoir.
L'hôtesse tend à développer naturellement une ambiance toute en bienveillance, service, sourire, joie, saucisses cocktail, tailleurs roses à boutons dorés fournis par la boîte, talons de 5 cm (pas plus, sinon ça fait vulgaire) qui te bousillent la voûte plantaire.
Ah, j'ai appris une chose de première importance: lorsque tu désires être hôtesse, ne pas hésiter à entammer la conversation en hurlant à la mort dans le téléphone "Bonjour, je suis noire".
Ne pas l'avoir fait m'a coûté une journée de cavalcade dans la ville pour rien, journée d'autant plus pénible que je ne prends plus le métro à cause de ma nouvelle lucidité olfactive.
Donc tu marches jusqu'au 35 avenue Renier au trou du cul du monde, tu slalomes entre les crottes de chiens des vieilles, tu évites de justesse l'odeur de beignets aux crevettes d'un type qui sort d'un restaurant chinois, tu échappes à l'entorse en parvenant à te restabiliser sur les chaussures à talons vilaines comme tout achetées spécialement pour l'occasion, un investissement, et tu sonnes, premier nom sur l'interphone, agence MAGICHOTESS.
Eux: "Oui bonjour c'est pour quoi?"
Moi: " Bonjour (un bonjour plein de sourire pour être en adéquation avec le concept de l'hôtesse) c'est pour une inscription."
Eux: " Montez, deuxième étage gauche"
Evidemment, pas d'ascenseur, et des marches extrêmement glissantes où les chaussures d'hôtesse (achetées exprès pour l'occasion) patinent. Une sorte de circuit neige pour escarpins taille 39.
Déjà, à ce moment est montée comme une envie de coup de boule sur chef hôtesse fraîchement blondie, un parfum de coup de pied circulaire avec un bout d'escarpin dans la face de la gérante qui m'acueille avec une abscence totale d'esquisse de sourire d'hôtesse.
Elle: " Qu'est-ce que vous faites là?"
Moi: " Bah on ma dit de monter, je viens pour une inscription, j'ai appelé ce matin" (tout ça dit avec un sourire d'hôtesse ni trop prononcé, ce qui serait d'une vulgarité affligeante, ni pas assez, ce qui permettrait de comprendre le côté enjoué et tout en service de l'hôtessitude)
Elle: " Nicole, vous avez une explication?"
Nicole: " Mais madame Casinier je n'en savais rien, elle n'en a pas parlé ce matin, sinon vous pensez bien..."
La gérante rentre dans son bureau, Nicole la sous-chef reprend les rênes et me fout à la porte en me disant qu'on a pas idée de ne pas prévenir qu'on est noire et pas blonde avec des grands yeux bleus qui évoquent l'hôtessitude partout dans le monde y compris dans la zone Pacifique où une société comme MAGICHOTESS est leader...

Point négatif : Nicole a perdu une dent, une incisive.

Point positif: Il lui en reste 31. A moins qu'elle n'ait plus ses dents de sagesse ce qui fait 27, ce qui est déjà très bien. A moins qu'elle se soit fait poser à l'adolescence un appareil qui ait nécéssité l'enlèvement des 4 prémolaires, ce qui lui ferait 23 dents. En même temps, 23 c'est un bon chiffre.

Evolution: Bonne. Je n'ai pas craqué. Ca fait 3 jours et 2 heures, je suis toujours une non-fumeuse.

Projets: Marcher sur les mains pour éviter le frottement du pied contre l'escarpin hôtessatoire. J'ai les pieds d'une vieille atteinte de phlébite, la vie sexuelle d'une nonne. Mon avenir s'annonce passionnant, celui d'une vieille nonne noire en tailleur d'hôtesse.

Notes concernant le milieu hospitalier: Le médecin n°4 téléphone au médecin n°5 qui faxe au médecin n°6. Et puis un jour ils disent cancer de la plèvre. Alors je dis c'est quoi la plèvre? Ils répondent très grave enveloppe des poumons. Et puis ils disent trop cher, trop de monde qui préfère fumer en se foutant du trou de la sécu et des 35 heures dans le milieu hospitalier, trop de NFS, trop de iono, trop de gaz des sangs, merci d'être venue, je dois aller faire un tennis, fermez la porte en sortant. Et pour ma mère on fait quoi?

Pour ceux qui n'auraient pas encore compris... il ne s'agit absolument pas de moi !!! Ce n'est qu'un livre !! (la personne concernée se reconnaîtra ;o))

Ecrit par Dana, à 20:03 dans la rubrique Patch.
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Samedi (02/10/04)
DEUXIEME JOUR
--> --> on continue?
Le fait de ne plus fumer depuis un jour déjà ma rend plus lucide sur tout. Déjà, se lever comme je le faisais à 9h00 voire 9h30 est vraiment la preuve d'un enfermement dans un ronron dévastateur et ramollissant.
Je m'autoconsterne.
Heureusement, mon corps a pris le dessus. Ce matin debout 6h32 tonique. 1h30 de pompes, un petit déj très complet. Et ensuite, 9h30 métro pour se rendre à l'ANPE la plus proche. Et c'est là que je me suis rendue compte du sans gêne de 90% des gens qui prennent le métro. Au vu de cette première journée en qualité de non-fumeuse, il m'apparaît clairement que la majorité des usagers des transports en commun pue.
Quand je pense que j'ai vécu plus de dix ans totalement aveuglée par l'englument protecteur et meurtrier de la cigarette, ça me consterne.
J'ai préféré rentrer chez moi à pied. De toute façon, j'étais trop énervée pour reprendre le métro et supporter une odeur de carie mal siognée ou l'effluve d'une vielle flatulence restée coinceé dans un pantalon en flanelle. C'est terrible.
A la maison, j'ai laissé les fenêtres ouvertes pour supprimer les dernières traces de tabac froid et j'ai filé toutes mes affaires à la fille de la gardienne, impossible de les ravoir tant qu'elles sont imprégnées. D'ailleurs, la fille de la gardienne pue des bras, surtout du bras gauche maintenant que j'y pense. C'est pas croyable.
Ah, j'ai du boulot, enfin, un p'tit truc en attendant le vrai boulot, ke fameux vrai boulot, celui à la hauteur de l'ensemble de mes compétences, du prix de mon loyer, du prochain millénaire, du prix de la carte orange et de son augmentation annuelle en Août, de mon projet en tant que femme, de l'évolution de la jeunesse dans une société post-industrielle. Toutes ces choses dont m'a parlé Mme Ponche au guichet C de l'ANPE, 1h30 après que j'ai pris mon petit ticket sur lequel était inscrit le numéro 132.
Ca m'a coûté l'ensemble de mes ongles, j'avais oublié mes chewing-gum à la maison, et impossible de ressortir pour en acheter. Mais c'est pas grave, j'ai tenu, je suis toujours une non-fumeuse. En sortant, je suis allée m'acheter des faux ongles au Franprix, mais c'est plus dur à poser qu'on croit, ça m'à vite énervée, tant pis, j'assumerai mes moignons.
En tout cas, cette Mme Ponche du guichet C de l'ANPE est vraiment bien. A part peut-être une légère faute de goût quant au choix de sa crème hydratante visage qui pue la mort ou la vieille vanille, ce qui est sensiblement pareil. Mme Ponche qui me recommande de postuler sur des emplois de secrétaire trilingue parce que effectivement, je parle trois langues. Ca valait le coup que ma mère s'emmerde à se lever à 5 heures du matin tous les jours pendant 20 ans de sa vie pour me payer des études et à la fin m'entendre dire que le mieux c'est que je fasse le même métier qu'elle mais avec trilingue derrière, ce qui change tout.
Est-ce que c'est à ce moment là que Mme Ponche m'a souri, bien contente de son idée et que je lui ai rendu son sourire?
Oui, ce doit-être à ce moment là que j'ai eu la vision de Mme Ponche éclatée du brushing sur un angle de son PC, ma fiche coincée dans la narine gauche.
Possible.
J'ai passé une journée qui pue, pas d'autres mots.

Points positifs : la tension me pousse à réaliser des choses nouvelles avec mon corps. PAr exemple, j'ai réussi à me ronger les ongles de pied.

Points négatifs: J'ai mangé l'ensemble du plateau-repas de ma mère plus celui de sa voisine de chambre.

Evolution: Très bonne. 40 cigarettes non fumée soit 41,40 francs d'économisés.

Notes concernant le milieu hospitalier: Le plateau-repas de l'hôpital est un concept, une déclinaison de tout ce que l'on peut faire avec de l'eau chaude. L'exploration de la palette des couleurs en "asse" allant du maronnasse que l'on appellera boeuf bourguignon du chef au vert pomasse que nous nommerons pour plus de facilité salade verte du chef et sa julienne de légumes. Les couleurs en asse c'est bon pour les gens comme moi qui transcendent leur nourriture au point d'avoir envie de fumer une carotte, une saucisse. Pour les gens normaux, un plateau-repas de l'hôpital évoque le jeûne, la mise en place d'un marché noir ou la guérison extrêmement rapide. 
Ecrit par Dana, à 18:34 dans la rubrique Patch.
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