Se retrouver face à deux séropositifs, en SVT, ce matin.
Je crois que j'ai réussi à me deshydrater ...
Elle, 44 ans, encore dans la phase ou tout semble aller...
Lui, 41 ans, sur le déclin.
Le visage amaigri, les rides qui s'accentuent.
Les cernes qui s'allourdissent.
Mais malgré tout une capacité à toucher les gens.
Il ne nous a pas horrifiés. Loin de là. Il... putain. Rien que d'y penser j'ai les larmes aux yeux.
Lui c'est la toxicomanie. Elle l'Amour d'un toxicoman aujourd'hui décédé...
1984. Aucune prévention.
Ca n'existait pas. A quoi bon?
Aux Etats-Unis... loin... loin là bas... et en plus, ça ne touchait que la communauté gay... et les toxicos... les parias de la société.
[Tiens... les toxicos... et si on faisait le test...?]
Mais c'était loin... pas de raison de s'en faire.
Alors le préservatif, vous pensez !
C'était la génération pilule.
Plus besoin de capote pour ne pas être enceinte, qui était la seule "peur". Etre enceinte. Idée vite abandonnée, pour ne pas risquer de contaminer l'enfant...
"Mon sexe insuflait la vie. Du jour au lendemain, il s'est mis à insufler la mort. Mon sexe est devenu un flingue."
Ecouter leur témoignage. Puis poser nos questions. Pas de bruits inutiles. On chuchotait presque, comme pour respecter l'espèce d'atmosphère qui venait de s'installer. On frôlait du bout des doigts le lourd sujet. Peur de casser quelque chose. Peur de faire mal, d'être maladroits...
Comment se passe votre trithérapie? Comment l'a pris votre entourage? Le savent-ils tous? Qu'est-ce qui vous aide à tenir?Comment appréhendez-vous la mort? ...
Les questions se suivent...
Les larmes coulent encore...
Fin de l'entretient.
Je fonds en larmes auprès de l'intervenante après qu'elle ait répondu, les larmes aux yeux, à une autre question encore.
"Je trouve ça... tellement...tellement con... Gâcher une vie pour cinq minutes... Je ... je me sens tellement loin de tout ça... J'ai un peu tout pris en pleine face là..."
Elle qui me comprend, qui soutient mes décisions, qui me dit qu'elle aurait fait comme moi si on lui redonnait ses 15, 16, 17 ans...
Elle qui s'est rapprochée de Dieu dans tout ça. Parce que la Bible, le Coran, et tous les écrits saints, parlent d'érotisme. Font de la prévention... mine de rien...
Elle a perdu sa sexualité telle qu'elle l'avait découverte.
Avec son nouveau mari, ce n'est "plus que" de l'érotisme.
Et des rapports protégés.
Lui, qui s'excuse d'avoir eu un trou de mémoire, à cause de la fatigue. Il ne dort pas depuis deux jours. Effet secondaire de la trithérapie. Une quinzaine de cachets matin et soir. Puis des vaccins. Qui font mal, plantés dans seulement 41 kg de chair. Mais son virus à muté. Il est devenu résistant à toutes ses thérapies... alors un vaccin miracle... il n'y croit pas... il n'y croit plus... pas pour lui...
Quant à sa vie affective, il a tellement peur de contaminer une femme, qu'il ne sort qu'avec des séropositives.
Et puis même, pour une femme "normale", faire ménage à trois avec son homme, et ses cachets, ses vomissements, ses insomnies, sa fatigue et ses craintes, c'est pas facile...
Mais il vole... alors il tient bon. Du saut. En parapente. Il passe son brevet bientôt. Il compte les jours, juqu'au prochain vol... seule chose qui lui fait "oublier" son état.
Touchants, émouvants, lucides, souriants, adorables, incroyables...
Putain de vie...
Protégez-vous bordel de merde.
Commentaires :
Re:
c'est con la vie...
Qu'est-ce qu'on a pu pleurer...
Et eux, qui faisaient un travail sur eux-même pour contrôler leurs émotions... c'est... boulversant.
On n'avait vu que le côté scientifique de la chose (c'est un de mes chapitres de bio)...
Et là...le côté humain. Parce qu'un virus, ça tue un homme. Une vie.
C'est con à dire, mais je crois qu'on en a vraiment pris conscience ce matin...
J'en ai encore des frissons...
Re: Re: Re:
Je me souviens, d'une fille qui avait 13 ans, et chantait souvent, "il court, il court le sida...Il ne passeras pas par moi..." On trouvais ça un peu deplaçer...Puis on a su que ça elle, en etait morte...
Malgré tout ce qui se passe, ça retse tout même pas mal tabou...MALHEUREUSEMENT
Smoutchy ma jolie
Re:
Dur de parler de ça...
Protégez vous... on ne le dira jamais assez...
Bises ma belle.
reussi ce texte
sans autre commentaire tout est dit et j'adhere...
Cabotine
S'il y a bien un sujet sensible avec moi, c'est celui là.
Sans les mots, la pensée fait déja très mal, et tes mots par dessus, tellement bien choisis, les émotions qui passent, j'ai mal pour eux, je trouve ça injuste...
Les larmes ont coulé. Ca ne rate jamais, cette maladie est vraiment trop destructrice pour être prise à la légère...
Dire que tous ces gens payent pour les milliers d'autres qui pensent que ça n'arrive qu'aux autres..